Comme chaque année, les prêtres du District de France se sont réunis en octobre à Sées (61) pour 4 jours d’enseignements, de conférences, d’offices en commun ainsi que de nombreux moments fraternels. En clôture de ces quelques jours a été célébrée une messe votive de saint Pierre dont voici l’homélie de l’abbé Sébastien Leclère, prêtre résidant au séminaire de Wigratzbad.

            Chers confrères, chers amis,

Je ne me sens pas digne de vous adresser quelques mots en cette occasion si solennelle, où l’on célèbre notre saint patron et par là son rayonnement au sein de notre société sacerdotale, mais au-delà de l’indignité il y a l’honneur que l’on a voulu ainsi faire au séminaire Saint-Pierre, qui est notre Maison-Mère, et je ne pouvais pas décliner une offre qui dépassait ma simple personne.

C’est toujours une joie de retrouver ses frères, mais la joie a une gravité particulière lorsque cette rencontre aurait pu ne pas avoir lieu du fait des tribulations qui traversent l’Église universelle, et en particulier l’Église de France.

Le 18 décembre dernier la lecture des Responsa ad dubia, qui devaient préciser les directives générales énoncées dans le motu proprio Traditionis custodes du 16 juillet 2021, ne permettait pas de penser à un avenir serein pour notre Fraternité et la rencontre automnale de l’année à venir devenait subitement incertaine.

Le danger fut grand mais la confiance que notre société a eue en la protection divine fut proportionnée à son ampleur. C’est avec une immense action de grâces que nous devons considérer les bienfaits, humainement improbables ou imprévisibles, au vu de nos démérites de pauvres pécheurs, que nous avons reçus, en tant que société, depuis ce 18 décembre qui nous apparaissait si sombre.

Lorsque notre Maison générale, après la parution du motu proprio Traditionis custodes, énonçait imperturbablement que le document ne nous concernait pas, il était difficile de ne pas être troublé par l’interprétation quasi universellement contraire qui dans toute l’Église, était donnée du document.

La Maison générale est restée imperturbable, jusqu’au décret d’exemption du 11 février 2022, qui montrait au monde entier, subjugué, que sa lecture de Traditionis custodes était authentique, dès sa parution.

Le secret de cette lucidité réside en ce que j’appellerais la « grâce de saint Pierre », celle d’une confiance indestructible, jusqu’au milieu des circonstances humainement les plus désespérées, dans les promesses du Seigneur à son Église, dont notre Maison générale est la gardienne en tout temps. Nous ne sommes pas l’Église et nous tenons tout d’elle, mais saint Pierre, le premier vicaire du Christ, qui vit en tous ses successeurs, est notre modèle et nous devons l’imiter en tout, et sa confiance surnaturelle en la présence perpétuelle du Christ à son Église, nous devons commencer par la vivre à l’échelle de notre société qui est pour nous le premier visage de l’Église.

Cette grâce de saint Pierre nous a donné de voir la pérennité de nos actes fondateurs, des actes ecclésiaux, quand les circonstances ecclésiastiques voulaient les placer dans d’épais brouillards, et alors que la petite barque de notre société tanguait violemment dans le déchainement de la houle tempêtueusement hostile, nous avons entendu les paroles que le Christ a prononcées à notre saint patron alors qu’il lui semblait périr dans les flots : « Noli timere ». [« ne crains pas »]

Dans la puissance de ces paroles divines nos supérieurs sont allés à la rencontre du pape pour trouver en lui la paternité de notre saint patron, qui doit l’habiter en particulier pour nous, puisque nous sommes les fils de celui dont il continue la charge. Le pape a alors contemplé la profonde ecclésialité des fondateurs de notre société qui ont montré une confiance admirable en l’Église et en son vicaire dans l’exercice de ses prérogatives disciplinaires quant à la succession apostolique, si essentielle à la vie de l’Église, et y a vu une réalité « qu’il faut reconnaître, protéger et encourager ».

On aura compris que la vertu d’espérance est, en particulier dans les temps de crise de l’Église, au cœur de la romanité. On ne peut réparer ce qui ne peut l’être que par la compétence et l’autorité du pape, mais on peut aider le pape, porté par la vertu d’espérance, qui conserve en notre cœur la certitude de la fidélité divine, en sollicitant sa paternité avec un respect toujours filial, malgré toutes les tribulations que la vie de l’Église peut comporter, pour lui donner d’attester l’ecclésialité partout où elle se trouve. L’espérance n’est possible que dans le cœur humble qui sait qu’il tient tout de Dieu et qui se garde toujours de vouloir sauver l’Église qui le sauve, trouvant sa paix dans l’indestructible présence de Dieu jusqu’au milieu des crises les plus graves.

Saint Pierre, priez pour nous.