Les prêtres, „prolongement du bras de Jésus-Christ“

Homélie de Son Excellence Mgr Bertram Meier, évêque du Diocèse d’Augsburg, en la basilique d’Ottobeuren,
lors de l‘ordination sacerdotale de dix diacres de la Fraternité Saint-Pierre, le samedi 10 juin 2023

Chers candidats à l’ordination sacerdotale,
chers parents et amis,
Chers frères dans le ministère sacerdotal et diaconal,
chers frères et sœurs dans le Seigneur !

Lorsqu’en 2021, l’évêque sud-coréen Lazarus You a pris ses fonctions de préfet de la Congrégation pour le clergé (aujourd’hui Dicastère pour le clergé) au Vatican, il a donné une interview qui a retenu l’attention.[1] Avec courage, il a évoqué la situation actuelle de l’Eglise et a déclaré sans détour : « Sans le renouveau des prêtres, il n’y a pas de renouveau de l’Eglise ». Et il a constaté : « Il faut de saints prêtres ». Peut-être l’avons-nous trop longtemps passé sous silence – ou en avons-nous même eu honte : ce qui compte, c’est la sainteté. Il ne s’agit pas seulement de respecter et d’élargir notre calendrier des saints au cours de l’année liturgique. Il s’agit de nous-mêmes ! Le Concile Vatican II souligne la vocation à la sainteté de tous les chrétiens baptisés et confirmés : « Tous les fidèles du Christ sont invités et tenus à la recherche de la sainteté et de la perfection correspondant à leur état ».[2] Ce qui vaut pour tous nous engage d’autant plus, nous les prêtres ! C’est pourquoi, chers candidats à l’ordination, je vous lance aujourd’hui cet appel : n’ayez pas peur de devenir saints !

Cela n’implique rien d’extraordinaire ou de spectaculaire. Au contraire, la sainteté commence par l’humilité. Car il n’y a qu’un seul saint et il s’appelle Dieu. Ce Dieu saint nous offre, à nous les hommes, de prendre part à sa sainteté. A son image et ressemblance, le Dieu saint nous a créés. C’est un bon début, plein de promesses ! Mais nous connaissons la suite de l’histoire. Certes, Dieu nous a bien appelés à la vie, mais l’homme a dépassé les limites qui lui étaient fixées et s’est assis sur le trône du Saint des Saints. Nous avons tous à souffrir de cet héritage négatif qui est imprimé en nous. Depuis le péché originel, le mal s’est insinué et incrusté dans notre humanité. Nous nous sommes éloignés de Dieu. Pourtant, Dieu n’en finit pas avec nous ! Au contraire : dans son amour inépuisable, il nous courtise, même si nous rechutons. Le Dieu saint veut que nous devenions ce que son plan prévoit que nous soyons : saints. Dieu nous sanctifie, nous les humains.

Dans l’ordination sacerdotale se manifeste le grand don de la sanctification. Les prêtres nouvellement ordonnés deviennent en quelque sorte le prolongement du bras de Jésus-Christ. Par leur intermédiaire, Jésus-Christ tend aux hommes la main du salut et de la sainteté. L’habillement avec l’étole et la chasuble l’exprime également : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ». (Gal 2,20) Vous avez revêtu le Christ comme un vêtement. (cf. Gal 3,27) Merci d’avoir accepté personnellement le grand don de la sanctification et de vouloir le transmettre aux hommes par votre service.

Chers candidats à l’ordination ! Aujourd’hui est certainement un moment fort de votre histoire personnelle. Mais cette fête ne doit pas être un événement éphémère. Concrètement, cela signifie que l’offre de salut de Dieu doit toujours être acceptée et reçue à nouveau. En d’autres termes, nous devons nous vider pour qu’il puisse nous remplir de son amour et de sa sainteté. Cela reste notre grande tâche, même et surtout après l’ordination sacerdotale – tout au long de notre vie. Le pape François décrit notre existence sacerdotale de manière très pertinente : « Nous sommes appelés à être comme de grandes amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’existence d’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la croix que le Seigneur, transpercé par la lance, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas dérober notre Espérance » ![3]

Pour affermir l’espérance, il faut une prière fidèle. La liturgie des heures à laquelle vous vous êtes engagés, la prière personnelle dans le silence et la contemplation, l’approfondissement de l’Écriture Sainte et l’acceptation intérieure de la Parole de Dieu. Mais le plus grand cadeau est la Sainte Eucharistie. Vous pouvez et devez désormais célébrer chaque jour le saint sacrifice de la Messe. Dans ce contexte, je peux vous parler d’une coutume qui nous a été transmise par le pape Jean-Paul II : lors de la messe matinale dans sa chapelle privée, il avait parfois l’habitude d’apporter des petits papiers et de les déposer sur l’autel lors de la préparation des offrandes. Avec ces petits papiers, il associait des intentions du monde et des hommes qu’il faisait entrer dans la sainte messe. Lorsque vous vous associez au Christ à l’autel et que vous agissez en sa personne (in persona Christi), vous devez toujours porter dans votre cœur des histoires et des visages qui représentent tous ceux que vous amenez au Père par le Christ dans l’Esprit Saint : Per Ipsum et cum Ipso et in Ipso … Parfois, on peut être pris de vertige à l’idée que le ciel est ouvert ici, à l’autel, et que – comme l’a dit un jour le pape Pie XII –  » nulle part ailleurs, je ne peux être aussi proche du Père céleste ».[4]

Oui, à l’autel, nous célébrons en plein air, à ciel ouvert. Au-dessus de l’autel, le ciel s’ouvre – non seulement pour vous-mêmes, chers candidats à l’ordination, mais aussi pour tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral. Vous devez leur rendre des services salutaires. Pour beaucoup, c’est difficile à comprendre aujourd’hui. Car de moins en moins de gens veulent savoir quelque chose de Dieu. La sainteté se réduit souvent à la « guérison » au sens médical du terme, au bien-être et à une vie affective agréable. Mais une telle vision est trop courte. Nous ne sommes vraiment sanctifiés, saints et saintes que lorsque nous plaçons le Saint des Saints – Dieu – au centre de notre vie et de nos activités. De ce point de vue, la sainteté nous concerne tous. Devenir saint n’est pas quelque chose d’extravagant, ce n’est pas une affaire de bigots, d‘excentriques, et moins encore d‘hypocrites. La sainteté est incarnée et se doit d‘être authentique. Les gens comprennent s’ils peuvent nous faire confiance. Les saints prêtres parlent du ciel tout en gardant les pieds sur terre. La mise à l’épreuve de la sainteté commence ici et maintenant : nous sommes certes dans le monde, mais pas du monde.

En ce sens, je vous félicite pour votre décision de devenir prêtre et de remettre entièrement et sans reprise votre vie entre les mains de Dieu : « Seigneur, j’ai confiance en Toi, je remets ma vie entre Tes mains ».[5] Que le Dieu saint que vous servez vous aide à devenir de saints prêtres. Le renouveau de l’Église sera alors possible. Amen.

[1] Diffusé par l’Agence Fides le 24 juin 2021.

[2] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, chapitre V, n. 42.

[3] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (2013), n° 86.

[4] Transmis par Madre Pasqualina dans son livre : J’ai pu le servir.

[5] Cf. le répons de Complies.