https://www.famillechretienne.fr/43192/article/abbe-john-berg-superieur-fraternite-saint- pierre-espoir-eveques-francais

Abbé John Berg, supérieur de la Fraternité Saint-Pierre : « J’ai l’espoir que nos relations seront bonnes avec les évêques français »

Réélu début juillet supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, l’abbé John Berg entend œuvrer à la sanctification des prêtres de sa communauté et à maintenir de bonnes relations avec Rome et l’épiscopat français. Entretien.

Ancien supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) de 2006 à 2018, l’abbé John Berg a été réélu à ce poste le 9 juillet dernier. – ©FSSP

https://www.famillechretienne.fr – Publié le 24/07/2024 à 11:31

Ce n’est pas votre premier mandat à la tête de la FSSP. Quels objectifs les capitulants vous ont-ils fixé pour les six années à venir ?

La surprise du Chapitre a peut-être été qu’il n’y a pas vraiment eu de surprise ! Nous avons examiné tous les domaines de la vie de notre Fraternité : nous avons trouvé des domaines dans lesquels nous devions nous améliorer, mais nous n’avons pas trouvé de besoins criants ou de nouveaux projets extraordinaires à mener. Ceci est le fruit du travail positif de mon prédécesseur, l’abbé Komorowski, et de son Conseil. Les objectifs que m’ont fixés mes confrères pourront alors paraitre « ennuyeux » : mon but ne sera pas différent de celui de notre Fraternité, à savoir la sanctification de ses prêtres et des séminaristes. Le charisme et le droit propre de la Fraternité Saint-Pierre s’est déjà très bien développé en 36 ans d’existence de notre communauté. Nous avons notre identité et elle est stable, ce qui est très important pour les membres d’un institut religieux. Si elle était régulièrement en mouvement ou susceptible de changer, ce serait difficile pour ceux qui s’y engagent pour la vie comme dans un chemin de sanctification. Aux États-Unis, nous disons en guise d’analogie avec le football :

« on ne peut pas changer les poteaux de but ! ». Mon objectif est de m’assurer que nos membres apprécient pleinement les moyens que l’Église nous a donnés il y a 36 ans, et qu’ils persévèrent ensuite à les vivre. C’est vraiment ce que les capitulants ont demandé : que les supérieurs favorisent la vie communautaire dans nos maisons, la formation permanente des prêtres et le travail apostolique qui, non seulement, profite aux fidèles et à l’Église, mais s’inscrit aussi dans la sanctification de nos membres.

Sept nouveaux prêtres ont été ordonnés en juin en Europe et onze en mai aux États-Unis. La FSSP connait-elle une progression significative de nouveaux séminaristes ces dernières années ?

Sans entrer dans le détail des chiffres, je peux vous dire que nos deux séminaires se portent bien et restent bien pleins. L’abbé Vincent Ribeton, que beaucoup ont connu comme supérieur du District de France entre 2006 et 2015, fait aujourd’hui un excellent travail de formation en tant que recteur de notre séminaire européen à Wigratzbad, en Bavière. Pour ma part, au cours de ces trois dernières années, j’ai enseigné à temps partiel dans notre séminaire de Denton, dans le Nebraska. J’ai pu ainsi remarquer que le monde virtuel que propose notre société occidentale est un défi de plus en plus grand pour les vocations. De nombreux jeunes hommes ont pris de mauvaises habitudes ou des dépendances avant même de commencer à discerner leur vocation. Finalement les séminaires d’aujourd’hui et de demain dépendent pour beaucoup de l’éducation familiale et de l’encouragement fait aux jeunes hommes de pratiquer la vertu, afin qu’ils puissent être libres de discerner et de mener à bien leur vocation.

Trois ans après le motu proprio Traditionis custodes, les fidèles desservis par les prêtres de votre Fraternité sont-ils inquiets pour l’avenir de la messe traditionnelle ?

Il ne fait aucun doute que certains fidèles sont inquiets. Au cours de ces six dernières années, j’étais curé dans deux paroisses différentes de notre Fraternité aux États-Unis, et je n’ai donc pas connu trop d’inquiétude de la part des fidèles américains. Là-bas, leurs inquiétudes grandissaient de manière proportionnelle avec le temps qu’ils passaient sur internet à lire des articles ou des informations à ce sujet ! J’ai pu constater cela pendant le temps de la Septuagésime et du Carême, où certains hommes de la paroisse ont pris la résolution de cesser toute activité sur internet qui n’était pas liée à leur travail. Ils trouvaient soudainement une paix qu’ils n’avaient pas auparavant !

Mon travail dans ces paroisses était celui de tous nos prêtres qui consiste à aider les fidèles à se concentrer sur leur propre vie spirituelle et celle de leur famille. Si l’on se contente de lire ce qui se dit sur internet, on peut facilement avoir la fausse impression selon laquelle la « messe traditionnelle » est une sorte de mouvement ou de croisade. Il serait bien plus judicieux de venir voir ce qu’il en est réellement : il s’agit d’une paroisse, d’une aumônerie ou d’un groupe composé de personnes ou de familles qui veulent « seulement » adorer Dieu et être transformées par sa grâce. Mais je reconnais qu’il est naturel que des personnes ou des groupes qui se sentent menacés perdent leur calme. Tout comme la stabilité est bonne pour nos prêtres, elle l’est aussi pour les fidèles.

Quelles sont vos discussions avec Rome sur ce sujet ?

L’exemption accordée par le pape François en février 2022 est-elle toujours d’actualité ?

Pour ma part, je n’ai eu que les comptes rendus de nos rencontres avec le Saint-Père et les différents dicastères à Rome. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis heureux que l’abbé Komorowski, le supérieur général sortant, ainsi que l’abbé Paul-Joseph, l’ancien supérieur du District de France qui a rencontré Sa Sainteté à deux reprises, et enfin l’abbé Bisig, l’un de nos fondateurs, soient membres du Conseil général nouvellement constitué. Le décret du Saint-Père du 11 février 2022 est en fait une confirmation de ce qui a été établi pour la Fraternité Saint-Pierre en 1988 lors de sa fondation, comme faisant partie de son identité en tant que société de vie apostolique. L’acte de constitution de notre communauté et le décret lui-même montrent qu’il n’est pas nécessaire de poser la question de « l’actualité » de notre charisme. La Fraternité Saint-Pierre a été érigée par l’Église en tant que société de vie apostolique de droit pontifical, fondée « pour l’unité et le bien de l’Église », et l’une des manières dont elle le fait est de recevoir et de conférer les sacrements conformément aux livres liturgiques traditionnels. Restreindre notre droit à l’usage de ces livres serait comme imposer aux Franciscains de ne plus servir l’Église en observant la pauvreté !

Quelles sont vos relations avec les évêques français ? Récemment, un évêque a demandé à votre communauté de quitter son diocèse.

Il me faudra voir ce qu’il en est réellement de la situation française. Je peux seulement dire que mes relations avec l’évêque, mais aussi avec les prêtres des deux diocèses où j’ai servi comme curé ces six dernières années aux Etats-Unis, ont été vraiment excellentes. Je ne veux pas dire qu’ils nous ont simplement laissé faire notre travail, mais qu’ils m’ont vraiment soutenu, qu’ils m’ont demandé quels étaient mes besoins en tant que prêtre travaillant dans la paroisse de la Fraternité Saint-Pierre dans leur diocèse. J’espère que j’ai fait de même pour eux. Ils avaient une attitude à la fois très paternelle et fraternelle.

Il ne fait aucun doute que depuis le temps où je fus supérieur général, de 2006 à 2018, certains évêques français ont changé en raison de départs à la retraite, mais je crois que je connaîtrai encore un certain nombre d’évêques en France et je me souviens avoir eu de bonnes rencontres avec eux, des discussions franches et constructives. Nous partageons un objectif commun très simple qui est le salut de l’âme. Comme le disait saint Jean Bosco, « Donnez- moi des âmes et oubliez le reste ». En ce sens, j’ai l’espoir que nos relations seront bonnes.

Propos recueillis par Antoine Pasquier